L’arrêt Salduz consacre donc le droit pour tout suspect d’être assisté d’un avocat dès son premier interrogatoire par les autorités judiciaires ou policières.
La législation belge ne prévoit toujours pas cette possibilité, de sorte que, jusqu’à présent, toutes les auditions de suspects (à de très rares exceptions) se déroulaient hors la présence d’un avocat.
Cette situation est donc en contradiction avec les exigences énoncées par la Cour européenne dans son arrêt précité.
En vue d’y remédier, un projet de loi est actuellement examiné au Parlement pour tenter d’y donner suite.
Aucune modification législative n’est toutefois intervenue à ce jour.
En pratique, cette jurisprudence a cependant déjà eu deux conséquences tout à fait concrètes :
1. Les cours et tribunaux considèrent désormais généralement qu’il ne peut être tenu compte des déclarations incriminantes faites par un suspect lors d’une audition à laquelle son avocat n’était pas présent pour justifier une condamnation à son encontre. La Cour de cassation a d’ailleurs tout récemment, le 15 décembre 2010 , prononcé un arrêt en ce sens ; elle a énoncé à l’occasion de cet arrêt que le droit à un procès équitable « implique que la personne arrêtée ou mise à la disposition de la justice bénéficie de l’assistance effective d’un avocat au cours de l’audition de police effectuée dans les vingt-quatre heures de sa privation de liberté, sauf à démontrer, à la lumière des circonstances particulières de l’espèce, qu’il existe des raisons impérieuses de restreindre ce droit ».
Les déclarations recueillies hors la présence d’un avocat ne peuvent donc en principe plus être utilisées comme élément de preuve pour justifier la condamnation d’une personne.
2. Dans certains arrondissements judiciaires, un système de permanence a été mis en place pour qu’un avocat assiste à l’audition de toute personne par un juge d’instruction dans les vingt-quatre heures de sa privation de liberté.
Cette assistance d’un avocat à ces auditions s’effectue donc actuellement en dehors de tout cadre légal et repose essentiellement sur la bonne volonté des avocats des barreaux concernés et des magistrats de ces arrondissements.
A Bruxelles par exemple, quatre avocats sont de permanence chaque jour de la semaine (week-end compris), et deux le sont la nuit, pour assister à l’audition de toute personne présentée à un juge d’instruction.
Si cette initiative est heureuse, elle ne permet toutefois probablement pas de rencontrer les exigences énoncées par la Cour européenne des droits de l’homme, et plus récemment par la Cour de cassation.
En effet, avant d’être entendue par le juge d’instruction, la personne privée de sa liberté a déjà été auditionnée par la police. Lors de cette audition, cette personne n’est pas assistée d’un avocat, de sorte que la première audition d’une personne privée de sa liberté se passe toujours hors la présence d’un avocat.
En outre, préalablement à l’audition devant le juge d’instruction, l’avocat n’a pas, dans l’état actuel des choses, accès au dossier et ne peut voir la personne privée de liberté que quelques minutes avant cette audition, en présence de policiers. Il ne peut donc pas s’entretenir confidentiellement avec celle-ci, ce qui rend son assistance difficilement « effective ».
Enfin cette pratique n’est pas appliquée dans tous les arrondissements judiciaires. Selon donc qu’une personne sera entendue par un juge d’instruction à Bruxelles ou à Charleroi (par exemple) elle sera ou pas assistée d’un avocat lors de son audition. Les justiciables ne sont donc pas logés à la même enseigne selon les arrondissements judiciaires, ce qui est pour le moins regrettable.
Il est donc urgent qu’une modification législative intervienne afin d’uniformiser et de clarifier les modalités d’intervention de l’avocat, dès la privation de liberté d’un suspect et au cours des auditions de celui-ci.
Ces éléments démontrent toutefois les conséquences concrètes que peuvent avoir les arrêts prononcées par la Cour européenne des droits de l’homme, avant même qu’une modification législative n’intervienne pour adapter le cadre légal aux exigences posées par la Cour.
Votre point de vue
Phil Le 27 octobre 2012 à 19:39
Je suis intéressé de savoir, si dans le cadre de la loi Salduz, mais également avant l’entrée en vigueur de cette loi ( cad 01/01/2012), si la personne privée de liberté, et interrogée par un juge d’instruction, en présence d’un avocat ( en général commis d’office), devra payer elle-même les honoraires de cet avocat. ( et cela aussi bien, pour cette interrogatoire, mais également pour les phases ultérieures éventuelles ( cad, représentation en chambre du conseil, devant la Cour d’appel...) Merci pour votre réponse.
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phc Le 12 janvier 2011 à 09:28
Article intéressant, malgré les fautes d’orthographe (ou de frappe ?).
Il est effectivement urgent que le législateur se décide à mettre tous les acteurs du monde judiciaire d’accord, parce que personne ne partage les mêmes positions : avocats, juges d’instruction, policiers, parquet...
Et vous oubliez un élément fondamental, à mon sens, pour garantir le respect du contradictoire et de l’équilibre des parties : si la personne auditionnée a droit à ce que son avocat soit présent, alors le MP doit également être présent !
Il est temps qu’on mette fin au flou artistique qui entoure la question, d’autant qu’il cosntituera sans aucun doute l’arme suprême des plaideurs lors des futurs procès.
J’entends déjà les cris indignés de la population...
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