Les grâces royales : pourquoi, comment ?

par Maxime Nardone - 16 décembre 2013

Au début du mis de décembre 2013, quelques journalistes et responsables politiques ont critiqué le Roi Philippe pour avoir accordé quelques grâces depuis le début de son règne.

Des explications et des mises au point s’imposent à cette occasion : qu’est-ce que la grâce, qui l’accorde, qui en prend la responsabilité, selon quelle procédure, quels en sont les effets, etc. ? Et surtout : quelle est sa raison d’être ?

Maxime Nardone, avocat au barreau de Bruxelles, répond à ces questions.

En quoi consiste la grâce ?

1. Le droit de grâce est régi d’une part par les articles 110 et 111 de la Constitution et, d’autre part, dans une moindre mesure, par l’article 87 du Code pénal, ainsi que par certaines circulaires ministérielles et directives internes du Service Public Fédéral (SPF) Justice.

2. La grâce peut se définir comme une remise totale ou partielle, accordée par le Roi, de la peine prononcée par un jugement ou arrêt de condamnation coulé en force de chose jugée (c’est-à-dire qui n’est plus susceptible d’aucun recours ordinaire – opposition et appel – ou d’un pourvoi en cassation).
Il peut également alléger une peine, la convertir ou accorder un délai d’épreuve.

Il s’agit donc d’une prérogative du pouvoir exécutif.

3. En théorie, le Roi dispose d’un pouvoir discrétionnaire, c’est-à-dire qu’il ne doit pas justifier ou motiver sa décision.

Concrètement, chaque requête de condamné aboutit au Service des grâces du SPF Justice. Un dossier y est établi et est composé notamment de la requête, d’un extrait du casier judiciaire de la personne concernée, d’une copie du jugement de condamnation, des résultats d’une enquête de police réalisée après le dépôt de la requête, de l’avis du Procureur du Roi et, éventuellement, d’un rapport de la direction de la prison où se trouve le requérant si celui-ci est détenu.

C’est sur base de ce dossier qu’un avis sera rédigé à l’attention du ministre de la Justice qui se positionnera et soumettra sa décision au Roi pour signature.

Il ne s’agit par conséquent en aucun cas d’une décision personnelle du Roi lui-même : conformément aux principes constitutionnels de notre monarchie constitutionnelle, si c’est le Chef de l’État qui signe formellement la décision d’octroi de la grâce, c’est le ministre de la Justice qui en assume la responsabilité et qui, le cas échéant, devrait être critiqué pour avoir proposé la mesure au Roi.

4. La grâce peut être individuelle (sur requête) ou collective par exemple en cas d’heureux événements, comme ce fut le cas par exemple en 1990 à l’occasion des soixante ans du Roi Baudouin, prise alors par un arrêté de grâce collective lorsque le Roi accorde une remise de peine déterminée à tous les condamnés qui répondent aux conditions qu’il définit.

La requête ne doit pas revêtir de forme particulière. Il s’agit d’un simple courrier adressé au Roi ou au SPF Justice et qui contient les principales raisons qu’invoque le requérant pour être gracié (motivation).

Les dossiers sont analysé au cas par cas et peuvent être accordés ou refusés sur la base de critères forts différents, comme l’état de santé du requérant, son comportement en prison ou encore sa situation familiale.
Les conséquences de la grâce :

5. La grâce accordée par le Roi est une cause d’extinction de la peine, au même titre que la mort du condamné ou la prescription de la peine, ce qui signifie qu’elle n’efface pas la condamnation et ne porte que sur l’exécution de celle-ci. La condamnation reste inscrite au casier judiciaire de la personne graciée et peut donc être prise en compte pour servir de base à une récidive (c’est-à-dire à une aggravation de le peine lorsque de nouveaux faits similaires sont commis), faire échec, le cas échéant, à l’octroi d’un sursis ou d’une suspension du prononcé de la condamnation en cas de nouvelles infractions.

L’extinction de la peine n’est donc pas à confondre avec l’extinction de la condamnation elle-même, qui, prenant la forme d’un effacement ou d’une réhabilitation, est une prérogative du pouvoir judiciaire et fait cesser pour l’avenir, dans certaines limites, tous les effets, cette fois, de la condamnation. Il ne peut être question alors de récidive et les règles du sursis ou de la suspension du prononcé s’appliquent comme s’il n’y avait pas eu de condamnation antérieure.

Pourquoi la grâce ?

6. La grâce, qui est une prérogative que l’on trouve dans tous les États démocratiques, doit aujourd’hui son existence au constat selon lequel l’application stricte de la loi pénale pouvait ne pas tenir compte de l’infinie diversité des cas et qu’elle pouvait s’avérer trop sévère et injuste dans certaines circonstances. Des condamnations sévères, qui semblaient justifiées au moment où elles ont été prononcées, pouvaient par la suite se révéler excessives. Dans ces cas-là, l’exercice du droit de grâce offre la possibilité d’alléger l’exécution de la condamnation prononcée.
La grâce royale fut souvent utilisée en Belgique avant 1996 pour commuer les peines de mort en peine d’emprisonnement.

7. Cette prérogative du pouvoir exécutif, considérée par certains comme appartenant à une autre époque, fait régulièrement la une de l’actualité et est remise en question par certains responsables politiques mais nécessite, pour être modifiée ou abrogée, une révision de la Constitution. Ce n’est aujourd’hui pas à l’ordre du jour et, plus fondamentalement, la question se pose de savoir si ce serait vraiment opportun, vu le rôle qu’elle joue comme « soupape » bienvenue au regard de la rigueur pénale.

Votre point de vue

  • sanae
    sanae Le 22 septembre 2014 à 22:33

    Je trouve que cest merveilleux de donner a une personne la chance de revivre et merci encore vive le roi.vive la belgique forever.

    Répondre à ce message

  • skoby
    skoby Le 17 décembre 2013 à 10:19

    A tous ceux qui critiquent le Roi sur base de ces grâces accordées à certains
    prisonniers, je dis ceci : soit vous êtes ignorant de la loi, et vous ne savez pas que le Roi signe sur proposition du Ministre de la Justice,soit vous êtes de mauvaise foi et vous
    utilisez n’importe quel argument pour critiquer la monarchie, car c’est devenu une mode.
    Si ces grâces déplaisent, c’est aux politiques de décider de les supprimer et pas au Roi.

    Répondre à ce message

Votre message

Qui êtes-vous ?

Pour afficher votre trombine avec votre message, enregistrez-la d’abord sur gravatar.com (gratuit et indolore) et n’oubliez pas d’indiquer votre adresse e-mail ici.

Votre message

Les messages sont limités à 1500 caractères (espaces compris).

Lien hypertexte

(Si votre message se réfère à un article publié sur le Web, ou à une page fournissant plus d’informations, vous pouvez indiquer ci-après le titre de la page et son adresse.)

Ajouter un document

Avec le soutien de la Caisse de prévoyance des avocats, des huissiers de justice et des autres indépendants
Pour placer ici votre logo, contactez-nous