Quand la Cour constitutionnelle veille au respect des traités qui lient la Belgique

par Jean-Thierry Debry - 18 décembre 2019

Un internaute visiteur de Justice-en-ligne nous demande s’il peut être demandé à la Cour constitutionnelle de vérifier la conformité des lois nationales avec les règles internationales qui lient la Belgique et, en particulier, avec la Convention européenne des droits de l’homme.

Justice-en-ligne a consacré déjà un article à ce sujet en 2015, sous la plume de Géraldine Rosoux (« Les droits fondamentaux, une substance malléable pour le juge ? Propos sur la ‘dématérialisation’ des droits fondamentaux ») mais il importe d’y revenir.

Jean-Thierry Debry, référendaire à la Cour constitutionnelle et collaborateur scientifique à l’Université de Liège, vous propose ci-après les explications nécessaires.

1. À première vue, la Cour constitutionnelle n’a pas le pouvoir de vérifier si la loi belge respecte les traités internationaux qui lient la Belgique.

Sa fonction principale, la seule qu’elle ait jamais exercée à ce jour, est de se prononcer sur la conformité des lois par rapport à des normes de valeur supérieure. Même si on reconnaît généralement une telle valeur aux règles de droit international, les textes qui définissent le rôle de la Cour constitutionnelle ne lui confient pas la mission d’examiner la conformité des lois par rapport à de telles règles. En apparence, la Cour n’est donc pas la gardienne des traités internationaux.

2. En revanche, la Cour constitutionnelle a le pouvoir de vérifier que la loi respecte un nombre limité d’articles de la Constitution.

La plupart de ces articles reconnaissent à toute personne des droits et des libertés qui sont généralement considérés comme fondamentaux, tels que le droit de propriété, le droit au respect de la vie privée ou la liberté d’expression. Nombre de ces droits ou libertés sont aussi reconnus, de manière identique ou analogue, par des traités internationaux qui lient la Belgique, tels que le Pacte international relatif aux droits civils et politiques, la Convention européenne des droits de l’homme et la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne .

Chaque fois que la Cour constitutionnelle est invitée à se prononcer sur la compatibilité d’une loi avec un droit ou une liberté reconnu par la Constitution, elle se demande si ce droit ou cette liberté n’est pas aussi protégé par un traité international. Si c’est le cas, elle prend celui-ci en considération parce qu’elle estime qu’elle ne peut, lors de son contrôle de constitutionnalité d’une loi, dissocier un article de la Constitution d’un texte international reconnaissant un droit ou une liberté analogue. En intégrant le texte international dans son examen de validité, la Cour procède à un contrôle indirect de la loi belge par rapport au droit international.

3. Il arrive aussi que la Cour constitutionnelle examine la conformité d’une loi par rapport à un texte de droit international qui garantit un droit ou une liberté qui n’est pas reconnu par le texte de la Constitution, tels que le droit à la présomption d’innocence de toute personne accusée d’une infraction, ou le droit d’asile.

Afin d’étendre son contrôle de validité des lois au respect de ces droits-là, la Cour utilise le principe d’égalité et de non-discrimination qu’elle déduit de deux articles de la Constitution dont elle doit sans conteste assurer le respect, à savoir ses articles 10 et 11. Ce principe garantit à toute personne la jouissance sans discrimination de chaque droit ou liberté qui lui est reconnu.

La Cour estime que toute remise en cause d’un tel droit ou d’une telle liberté équivaut à une violation du principe d’égalité et de non-discrimination. Or, l’interdiction constitutionnelle de discrimination ne concerne pas seulement les droits et libertés énoncés dans la Constitution mais aussi tous ceux qui sont reconnus par les traités internationaux qui lient la Belgique, même s’ils ne sont pas aussi proclamés par la Constitution. Par conséquent, la Cour s’estime compétente pour condamner, au nom du principe d’égalité et de non-discrimination, toute atteinte que la loi porterait à ces droits ou libertés internationaux.

4. On voit donc que, en dépit des apparences, la Cour constitutionnelle procède régulièrement à un contrôle de validité des lois au regard du droit international.

Votre point de vue

  • skoby
    skoby Le 19 décembre 2019 à 17:39

    Cela me paraît à la fois très bien et assez normal.

    Répondre à ce message

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Jean-Thierry Debry


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Référendaire à la Cour constitutionnelle et collaborateur scientifique à l’Université de Liège

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