Justice-en-ligne et les controverses autour des fouilles à nu au procès des attentats de Bruxelles

par Pierre Vandernoot - 7 janvier 2023

1. Depuis plusieurs jours, les débats au procès des attentats à la Cour d’assises de Bruxelles tournent autour des conditions de sécurité pour le transfert des accusés détenus de la prison de Haren au Justitia. Ces débats se sont même déplacés au Tribunal de première instance de Bruxelles, plus spécialement auprès du Président de ce Tribunal siégeant en référé.
Comme chacun le sait, Justice-en-ligne n’a pas pour vocation de relater un à un les événements et les incidents qui jalonnent les procédures en cours. Il en ira bien entendu de même pour ce procès d’assises, d’autant que la presse écrite et audiovisuelle joue son rôle à cet égard.
Il n’en demeure pas moins que, dans les prochains jours, plusieurs articles seront proposés aux lecteurs de Justice-en-ligne pour essayer de comprendre les règles de droit qui sont en jeu, les décisions de justice qui auront été prises dans le contexte actuel et les effets des événements de ces derniers jours sur le déroulement du procès.

2. Parmi ces commentaires, il sera question de l’ordonnance (la décision provisoire) prise le 29 décembre 2022 par le Président du Tribunal de première instance de Bruxelles siégeant en référé. Ce « président des référés » est une juridiction qui peut prendre des décisions en cas d’urgence mais celles-ci n’ont qu’un effet provisoire, contrairement aux arrêts et aux jugements et des cours et des tribunaux rendus après de longues procédures, qui, quant à elles, sont définitives sous réserve de l’exercice des voies de recours, comme l’appel.
Devant le président des référés de Bruxelles, certains des accusés demandaient pour l’essentiel que cesse la pratique systématique des fouilles à nu, des génuflexions et de privations sensorielles lors de leurs transferts vers le Justitia.
Dans son ordonnance, le juge commence par rappeler les dispositions de la Convention européenne des droits de l’homme qui interdisent les traitements inhumains et dégradants et les règles de droit belge qui autorisent la prise de diverses mesures destinées à assurer la sécurité publique ; ces règles sont celles qui s’appliquent notamment lorsque l’on est en présence de personnes pouvant être dangereuses, ce qui vaut aussi pour les transferts entre un lieu de détention et celui où se tient le procès des détenus. Ensuite, l’ordonnance considère que des fouilles à nu avec génuflexions, destinées à vérifier si les intéressés ne transportent pas ainsi dans leurs orifices corporels des objets dangereux, ne constituent pas nécessairement, en soi, des traitements inhumains et dégradants mais elle ajoute que pareille fouille « ne peut […] présenter un caractère systématique ou automatique, en ce sens qu’elle doit être justifiée par un impératif de sécurité convaincant ».
La décision considère certes que des mesures de sécurité, pouvant être strictes, sont justifiées en l’espèce. Elle considère toutefois qu’elles présentent un caractère trop général et systématique, qu’elles ne tiennent pas compte des autres mesures de sécurité déjà prises et qu’elles ne reposent pas suffisamment sur une appréciation concrète de la menace que présente chacun des accusés détenus individuellement. Elle estime enfin qu’il n’y aurait pas de « directive ou [de] consigne » émanant des services de police pour encadrer la pratique de ces fouilles, ce qui peut donner aux intéressés le sentiment de faire l’objet d’une mesure arbitraire.
En conséquence, le président des référés ordonne à l’État belge, c’est-à-dire à la police, de mettre un terme à la pratique systématique des fouilles à nu avec génuflexions, telle qu’elle est imposée aux intéressés, sous peine d’une astreinte de 1.000 euros par jour à partir du neuvième jour de la signification (c’est-à-dire l’envoi officiel par huissier) de l’ordonnance au ministre de la Justice
Quant à l’obligation des accusés de porter un masque occultant pendant leur transfert, l’ordonnance de référé l’estime suffisamment justifiée par des impératifs de sécurité.
L’Etat a décidé defaire appel de cette ordonnance. En attendant que ce recours soit jugé par la Cour d’appel de Bruxelles, l’ordonnance doit être respectée exécutée, comme tel est le cas en principe de toute décision prise en référé.

3. La question s’est posée ensuite devant la Cour d’assises de savoir si cette ordonnance avait bien été respectée. Certains ont estimé que tel n’était pas le cas et ont même considéré que le droit des accusés à un procès équitable serait mis à mal, alors que d’autres ont fait valoir que l’analyse concrète des circonstances par la police prouvait la nécessité de maintenir les fouilles à nu, leurs modalités ayant été par ailleurs adaptées.
Le commissaire général de la police fédérale a même été appelé devant la Cour, le 4 janvier dernier, pour s’en expliquer.

4. Toutes ces questions et sans doute d’autres (par exemple la manière dont les accusés n’ayant pas fait le choix spontané d’un avocat se voient attribuer un avocat désigné d’office) seront traitées de manière plus complète dans des articles qui seront bientôt publiés sur Justice-en-ligne.

5. En attendant, fort heureusement, les auditions de témoins se sont poursuivies devant la Cour, décrivant notamment l’horreur des attentats commis à l’aéroport de Zaventem et à la station de métro Maelbeek, les parties civiles insistant bien entendu pour que le procès se tienne sur le fond.

Votre point de vue

  • Célestin
    Célestin Le 8 janvier 2023 à 23:27

    On assiste a des manœuvres dilatoires dont le but est d’éviter (ou de retarder) le procès. Ce n’est pas la première fois qu’on attend les accusés dont le traitement et le droit à un procès équitable sont respectés par l’Etat belge, recourir aux mêmes rengaines : conditions d’arrestation, conditions de détentions conditions de transfert.....Il est temps la présidente de la cour d’assise se montre "juste, imperturbable et autoritaire" en joignant dès lors toutes les exceptions au fond pour la suite du procès. On a l’impression que les accusés conscients de leur rôle dans ce procès, sont déterminés à saboter le déroulement des audiences sachant pour la plus part qu’ils n’ont plus rien à perdre car déjà condamnés dans d’autres procès ailleurs. Ce qui sera catastrophique pour les victimes et pour la justice belge.

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Pierre Vandernoot


Auteur

Pierre Vandernoot, président de l’Institut d’Études sur la Justice, assure la direction du site “www.justice-en-ligne.be”. Membre de plusieurs sociétés scientifiques et comités de rédaction, il est président de chambre émérite au Conseil d’État et maître de Conférences honoraire à l’Université libre de Bruxelles.

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