La probation : d’une mesure à une peine autonome

par Thérèse Jeunejean - 8 novembre 2019

L’une des importantes missions de l’administration des Maisons de Justice concerne les suites à donner à une mesure de probation.

Mais en quoi consiste la probation ? Quelle en est la procédure et quel rôle précis y jouent les Maisons de Justice ?

Voilà ce qu’explique l’article qui suit.

Un prochain article proposera plus concrètement quelques échos du terrain en la matière.

1. En Belgique, une loi du 29 juin 1964 introduit la probation dans le droit pénal.

Une mesure

2. La mesure probatoire peut, en réalité, exister dans deux situations :
 avec un sursis à l’exécution d’une peine d’emprisonnement ou d’amende ;
 avec une suspension du prononcé de la peine.
On dira de la suspension ou du sursis qu’il est probatoire lorsque le juge aura prononcé des conditions spécifiques, auquel cas la mesure s’accompagnera d’un délai d’épreuve pour une durée de un à cinq ans. Ce type de mesure peut être prononcé pour différents types d’infractions : roulage, violence intrafamiliale, vols, etc.

3. Elle est toujours assortie de conditions générales à respecter : ne pas commettre de nouvelles infractions, répondre aux convocations de l’assistant de justice (qui, rappelons-le, est un fonctionnaire de l’administration des Maison de Justice spécialement chargé du suivi de la mesure – voir plus bas) et prévenir cet assistant en cas de changements (d’adresse, par exemple).

S’y ajoutent des conditions particulières individualisées, fixées par le juge, comme la recherche d’un emploi, d’une formation, le suivi d’une thérapie, l’interdiction d’avoir des contacts avec certaines personnes ou de fréquenter certains lieux, etc.

4. La probation fait partie des missions pénales prises en charge par les Maisons de justice.
La décision du tribunal (ou de la cour d’appel) est transmise à un organe juridictionnel qui sera chargé d’en contrôler le respect : la Commission de probation. Cette Commission travaillera en collaboration avec un assistant de justice d’une maison de justice qui prendra en charge la guidance et l’informera sur le déroulement de la mesure, sur l’évolution du justiciable ainsi que sur le respect des conditions probatoires imposées par le tribunal.

La Commission de probation peut modifier ou suspendre les conditions sans pouvoir toutefois les rendre plus sévères. Elle peut aussi suspendre la guidance ou en demander la révocation au procureur du Roi en cas de non-respect des conditions. Le procureur du Roi cite alors de nouveau la personne devant le tribunal et c’est celui-ci qui va ou non accepter la demande de révocation.

Si le tribunal n’accepte pas la demande de révocation, la mesure probatoire se poursuit ou peut être modifiée et le dossier est renvoyé auprès de la Commission de probation et l’assistant de justice. Si la demande de révocation est acceptée, la peine initialement prononcée par le tribunal est appliquée : « le sursis tombe ». Si la mesure probatoire visait une suspension du prononcé, alors le tribunal doit prononcer une peine avant qu’elle soit appliquée.

5. En 2018, les Maisons de justice ont reçu 6459 mandats de probation et les mesures de suspension et de sursis probatoires ont augmenté de 14,6 % par rapport à l’année précédente.

Parmi les délits pour lesquels une mesure probatoire est prononcée, les infractions de roulage sont majoritaires (67 %), suivies des délits contre les personnes (comme les coups et blessures par exemple) (15 %) et les délits contre les biens (comme les vols par exemple) (10 %). (cfr p.34 du rapport 2018, en format PDF ci dessous)

Une peine autonome

6. Depuis le 1er mai 2016, la probation existe également à titre de peine autonome, c’est-à-dire sans être liée à un sursis ou à une suspension du prononcé.

La peine autonome de probation peut être décidée indépendamment des antécédents judiciaires de la personne concernée et du maximum de la peine d’emprisonnement ou d’amende qui pourrait être prononcée. La peine de probation est fixée entre six mois et deux ans.

Elle peut être prononcée pour des faits donnant lieu à une peine de police ou une peine correctionnelle. Elle ne peut pas être accordée en cas de prise d’otage, de viol, d’abus sur mineur ou d’homicide.

7. Elle est assortie de conditions particulières mais, à la différence de la probation « mesure » (c’est-à-dire liée à un sursis ou à une suspension du prononcé), ces conditions sont le résultat d’un travail de construction entre l’assistant de justice et le justiciable, en fonction des faits commis, des difficultés et de la situation de ce dernier.
Entérinées par la Commission de probation, elles sont ensuite reprises dans une Convention signée par le justiciable et la Commission de probation.
Une peine d’emprisonnement ou d’amende est prévue au cas où les conditions ne seraient pas respectées.

8. La peine de probation n’apparait pas au casier judiciaire.

9. En 2017, les dossiers de peine de probation étaient au nombre de 241, ils sont passés à 347 en 2018, soit une augmentation de 44 %.
En 2018 toujours, la peine de probation a été prononcée pour les délits contre les personnes (43 %), des infractions en matière de stupéfiants (25 %) et des délits contre les biens (24 %).
La Commission de probation

10. L’assistant de justice est donc l’intermédiaire entre le probationnaire et la Commission de probation. Celle-ci est composée de trois membres : un président (magistrat), un avocat et un fonctionnaire. La Commission de probation est toujours une compétence fédérale, alors que les Maisons de Justice (au sein desquelles travaillent les assistants de Justice) relèvent de la compétence des Communautés.

11. Quand la probation est une mesure (c’est-à-dire liée à un sursis ou à une suspension du prononcé), le procureur du Roi siège aux séances de la Commission de probation, où il a une voix consultative. Son avis est noté au procès-verbal.
Par contre, quand il s’agit d’une peine autonome de probation, le procureur du Roi ne siège pas au sein de la Commission de probation.

Votre point de vue

  • Jurdan
    Jurdan Le 30 mars 2021 à 08:22

    Tout ca semble toujours de bon aloi mais il y a des fois ou...une injustice condamne et demande à la Commission de probation de suivre et faire soigner la personne pour une maladie (psy) qu’elle n’a pas et qui au lieu de "l’aider" ne fait que l’enfoncer encore plus dans sa colère intériorisée de l’injustice qu’on va lui recracher au visage à chaque rendez-vous. Quel recours dans ses cas là ?

    Répondre à ce message

  • skoby
    skoby Le 10 novembre 2019 à 15:22

    C’est très bien, mais il en faut du personnel pour suivre de près toutes ces probations !

    Répondre à ce message

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Thérèse Jeunejean


Auteur

Diplômée en psycho-pédagogie et journaliste, elle a été la première plume en Belgique francophone à mettre l’actualité socio-économico-politique à la portée d’un jeune public. Sur Questions-Justice, elle décode aujourd’hui le fonctionnement de la justice.

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