1. Les plateformes de l’économie collaborative font beaucoup parler d’elles.
Nous avons déjà eu l’occasion de commenter les questions juridiques soulevées par Uber en Belgique (« Fin du brouillard juridique pour Uber en Belgique » ) ainsi qu’au niveau européen (« Uber, Airbnb, Deliveroo : le double je(u) des plateformes digitales » ).
Souvent associée à Uber (entreprise active dans le secteur du transport de personnes), la plateforme Airbnb permet à des personnes qui souhaitent louer des logements pour une courte durée de trouver des propriétaires qui disposent d’une chambre temporairement inoccupée. Ainsi, Airbnb propose des chambres – ou parfois des logements complets – en concurrence directe du secteur hôtelier, mais également des agents immobiliers, suscitant leur mécontentement.
2. En 2017, une association française représentative du secteur hôtelier (l’AHTOP) a ainsi introduit une plainte devant une juridiction française contre Airbnb. L’association fait valoir qu’Airbnb n’est pas une simple plateforme d’intermédiation, mais qu’elle offre certains services qui permettent de classer les activités de la société comme équivalentes à celles d’un agent immobilier. Or, Airbnb n’a pas la licence requise par la loi française pour exercer ce type d’activités (la « loi Hoguet »).
Airbnb se défend de la manière suivante.
Premièrement, Airbnb n’est pas un agent immobilier mais un simple intermédiaire digital (« un service de la société de l’information »). La directive sur le commerce électronique garantit une liberté de circulation aux services de la société d’information au sein de l’Union européenne. À ce titre, elle n’aurait pas besoin de licence pour mettre des hôtes et des occupants en relation.
Deuxièmement, selon Airbnb, la loi Hoguet, qui impose aux agents immobiliers actifs en France, aurait dû être notifiée à la Commission européenne car elle crée une barrière à la circulation des agents immobiliers au sein de l’Union européenne. Or, cette loi n’a pas été notifiée et, dès lors, il est impossible pour l’AHTOP de s’en prévaloir à l’encontre d’Airbnb.
3. Le juge français n’était pas certain de la nature des activités d’Airbnb et a donc saisi la Cour de justice de l’Union européenne de deux questions préjudicielles :
1° La définition des « services de la société de l’information » couvre-t-elle également l’activité d’intermédiation d’Airbnb ?
2° À quelle condition la loi Hoguet peut-elle être mise en œuvre ?
4. Le 19 décembre 2019, la Cour de justice a déterminé que les activités d’Airbnb ne concernent que des services de la société de l’information et non des services d’agence immobilière.
La Cour applique à cet égard les critères qu’elle avait établi précédemment dans les affaires Uber, commentées dans les articles cités plus haut (voir le point 1).
La Cour considère qu’Airbnb n’est pas indispensable à la création d’un marché des chambres occupées à court terme dans des logements de particuliers et qu’Airbnb n’a pas une influence décisive sur les transactions. Il appartient en effet aux propriétaires de fixer les tarifs, le calendrier de disponibilité, les critères de réservation et les règles de location. Les services annexes tels que (i) un service de photographie, (ii) une assurance responsabilité civile et une garantie pour les dommages et (iii) un outil d’estimation du prix du loyer ne sont pas impératifs. Ils ne sont que des accessoires et ne suffisent pas à considérer qu’Airbnb est actif dans le secteur de l’hébergement.
En outre, la Cour de justice a constaté que la loi Hoguet aurait dû être notifiée à la Commission européenne pour pouvoir être opposée à Airbnb.
Au contraire des activités d’Uber, celles d’Airbnb ont ainsi été sauvées par la Cour de justice de l’Union européenne.
5. Toutefois, le secteur hôtelier français (et d’autres pays) a marqué son désaccord avec cette décision. Il tentera ainsi de faire un lobby serré afin de protéger ses intérêts pendant le processus de révision de la directive e-commerce annoncée par la Présidente de la Commission européenne Ursula von der Leyen pour la fin de l’année 2020.
Ce lobby sera d’autant plus important pour le secteur hôtelier que la décision de la Cour de justice de l’Union européenne tombe à point pour Airbnb, qui a conclu en novembre 2019 un accord de coopération de huit ans avec le Comité Olympique International (« CIO »). En effet, en tant qu’institution responsable de l’organisation des Jeux Olympiques, le CIO fera la promotion d’Airbnb lors des prochains évènements olympiques, dont les JO de Paris en 2024… ce qui portera, sans aucune doute, atteinte aux intérêts économiques des hôteliers français !
Votre point de vue
skoby Le 10 mars 2020 à 17:58
Je ne suis pas assez au courant de quel genre de personnes font appel à AirBNB,
ni si très fréquent, ni si c’est utilisé pour d’assez long séjours !
C’est certainement une concurrence aux hôtels, mais je ne sais pas dans quelle mesure !
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Amandine Le 10 mars 2020 à 15:16
AIRbnb participe à la disparition d’entreprises qui utilisent du personnel salarié, et ne semble pas pressée de payer sa quote-part d’impôts - tout en se servant des infrastructures offertes par les services publics :
https://bfmbusiness.bfmtv.com/01-business-forum/l-evasion-fiscale-de-airbnb-en-details-623958.html
Il vaut la peine, en tant que citoyen, d’y réfléchir à deux fois avant de recourir à ses "services", si l’on ne veut pas contribuer à détruire notre système de sécurité sociale, et à l’évasion fiscale des bénéfices vers des paradis fiscaux.
Aujourd’hui le transport, les hôtels,
Même les juges devraient s’en inquiéter car le système judiciaire public n’est pas hors danger d’ubérisation. N’est-il pas déjà grignoté aux franges par les "tribunaux arbitraux" ?
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