Procès des attentats de Bruxelles : le procès se termine, la Cour d’assises va décider des peines

par Benoît Dejemeppe - 29 août 2023

Un an après des débuts tumultueux, le procès des attentats de Bruxelles et Zaventem se termine. À partir de ce lundi 4 septembre 2023, les audiences seront consacrées à l’examen des sanctions qui seront décidées à l’encontre des accusés déclarés coupables. Le jury et les magistrats de la Cour entreront alors une seconde et dernière fois en délibération.
Benoît Dejemeppe, président de section émérite à la Cour de cassation, maître de conférences honoraire à l’Université Saint-Louis Bruxelles, explique comment la loi organise cette étape clé de la procédure.

L’arrêt sur la culpabilité

1. Rappelons d’abord que, le 25 juillet 2023, la Cour d’assises francophone de Bruxelles a rendu son verdict sur la culpabilité ou non des dix accusés dans un arrêt comportant pas moins de 241 pages.
Six d’entre eux ont été déclarés coupables des attentats, ou, pour être plus précis selon les mots du droit, des infractions terroristes d’assassinat et de tentative d’assassinat, et de participation à un groupe terroriste, l’un en tant que dirigeant, les cinq autres en tant que membres.
Deux autres ont été acquittés des attentats mais reconnus coupables de participation à un groupe terroriste en tant que membres.
Les deux derniers, qui comparaissaient libres d’ailleurs, ont été acquittés de toutes les infractions dont ils faisaient l’objet. Dès lors que le parquet n’a pas formé de pourvoi en cassation contre ces décisions d’acquittement, l’action publique dirigée contre eux est définitivement éteinte.

Les débats sur la peine

2. À partir du 4 septembre prochain, les audiences seront consacrées aux peines.

3. Les deux procureurs exposeront d’abord les sanctions qu’au nom de la société ils estiment répondre à une solution de justice pour chacun des accusés, compte tenu des infractions dont ils ont été reconnus coupables et de leur personnalité.

4. Les avocats prendront ensuite la parole pour faire valoir leur point de vue.
En général, et on ne voit pas pourquoi il en ira autrement ici en dépit de la gravité des faits, ils attirent l’attention sur le degré de responsabilité des accusés et les circonstances personnelles atténuantes justifiant de modérer la peine.
Mais, même s’ils ne sont pas d’accord avec le verdict de culpabilité, ils ne pourront plus le contester à ce moment. Ils ne pourront le faire qu’après la décision sur la peine, par un pourvoi devant la Cour de cassation et seulement à l’appui de griefs relatifs à des questions de droit car cette Cour ne connaît pas du fond des affaires, c’est-à-dire des éléments de fait.
Les accusés auront la parole en dernier lieu.

5. Il y a lieu de préciser que les parties civiles, qui peuvent bien sûr être présentes avec leurs avocats, ne sont pas autorisées à intervenir pour demander l’application de telle ou telle peine d’emprisonnement.

6. Enfin, la présidente déclarera les débats clos et le jury se retirera avec la Cour dans le confinement le plus total pour délibérer.

Les peines susceptibles d’être appliquées

7. Une ou plusieurs peines ?
Dans certains pays, comme l’Espagne ou les États-Unis, l’on cumule les peines appliquées aux différentes infractions commises, ce qui peut parfois aboutir à des condamnations à un nombre astronomique d’années de prison.
La Belgique pratique un autre système.
La loi permet en effet de considérer que l’ensemble des infractions constitue une infraction collective par unité d’intention, ce qui autorise le juge à ne prononcer qu’une seule peine, celle prévue pour l’infraction la plus sévèrement punie et déclarée établie. On peut s’attendre à une décision dans ce sens.

8. Quelle peine ?
Pour les six accusés déclarés coupables d’infractions terroristes d’assassinat et de tentative d’assassinat, et de participation à un groupe terroriste, la peine la plus sévère est la réclusion (emprisonnement) à perpétuité, prévue pour l’assassinat.
Au cas où elle admet des circonstances atténuantes, la Cour d’assises devra prononcer des peines dans une fourchette se situant entre un maximum de trente ans et un minimum de trois ans d’emprisonnement.
Complémentairement, la loi prévoit aussi depuis quelques années que les accusés déclarés coupables d’une infraction terroriste ayant entraîné la mort, comme c’est le cas en l’espèce, doivent être mis à la disposition du tribunal de l’application des peines pendant une durée de cinq à quinze ans, ce qui veut dire qu’à l’expiration de la peine, ce tribunal disposera du pouvoir de prolonger l’emprisonnement pendant le délai fixé par la Cour d’assises si cela s’avère nécessaire.
Pour les deux accusés déclarés coupables de participation à un groupe terroriste en tant que membres, la loi prévoit une peine de cinq ans à dix ans de réclusion et une amende de cent euros à cinq mille euros. Au cas où elle admet des circonstances atténuantes, la Cour d’assises devra prononcer des peines dans une fourchette se situant entre un maximum de cinq ans et un minimum d’un mois d’emprisonnement.
En outre, la Cour d’assises pourra fixer une période de sûreté, en d’autres termes décider que la libération conditionnelle ne pourra être accordée qu’après que le condamné aura subi deux tiers de sa peine.

La délibération

9. Le collège constitué par les trois magistrats de la Cour et les douze membres du jury délibère et prend ses décisions à la majorité absolue des voix, autrement dit l’unité au-delà de la moitié.
Alors que, pour la décision sur la culpabilité, les magistrats n’interviennent pour trancher que si les douze jurés ne parviennent qu’à une majorité en faveur de la culpabilité de sept contre cinq (ceci est expliqué plus amplement dans l’article suivant publié sur Justice-en-ligne le 29 juin dernier¸ « Le procès des attentats de Bruxelles entre dans sa phase finale : la parole est à la défense, le jury va délibérer sur la culpabilité »), pour la peine, ils participent pleinement et votent comme les autres jurés.
Cela signifie que, sur un total de quinze participants, la majorité absolue est de huit.

10. Pour la délibération, la loi prévoit un mode d’emploi formel assez précis, qui se présente comme suit.
La présidente recueille les opinions individuellement. Les jurés s’expriment les premiers, en commençant par le plus jeune, puis les magistrats assesseurs, en commençant par le dernier nommé, et, enfin, la présidente. À la différence du vote sur la culpabilité, qui a lieu à bulletins secrets, pour la peine les jurés et les magistrats professionnels prennent position oralement.
Si différentes opinions sont exprimées, on va une seconde fois aux voix.
Si, après ce second vote, plus de deux opinions subsistent sans qu’aucune ait recueilli la majorité absolue, la cour ou les jurés qui ont émis l’opinion la moins favorable à l’accusé sont tenus de se réunir à l’une des autres opinions, et ainsi de suite jusqu’au moment où une opinion a recueilli la majorité absolue.

La motivation des condamnations

11. Sur proposition de la présidente, il sera ensuite décidé, à la majorité absolue, de la formulation des motifs ayant conduit à la détermination des peines infligées.
Cette motivation peut être plus ou moins longue. La loi prévoit seulement un cadre général : le juge doit indiquer son choix d’une manière qui peut être succincte mais doit être précise. Un élément déterminant à cet égard résidera dans l’examen des circonstances atténuantes qui auront pu être invoquées.
Selon la jurisprudence de la Cour de cassation, lorsqu’il y a plusieurs accusés, comme c’est le cas dans cette affaire, il n’est pas interdit de motiver la peine par des considérations communes à d’autres pour autant qu’il en ressort que la peine infligée à chacun d’eux constitue l’objet d’une appréciation individuelle. Mais ce que je juge ne peut jamais faire, c’est déterminer une peine sur le fondement de la manière dont un accusé s’est défendu des préventions qu’on lui reprochait car tout accusé a le droit d’organiser librement sa défense comme il l’entend. Tel serait le cas si la peine était justifiée par la circonstance que l’accusé a persisté à nier les faits pendant le procès.
Les décisions et leurs motifs seront consignés dans un arrêt dit de condamnation.

La prononciation de l’arrêt

12. Lorsqu’ils auront achevé leurs travaux, la cour et les jurés reviendront dans la salle d’audience et la présidente fera introduire les accusés pour leur donner lecture de l’arrêt.
Elle devra leur faire également les recommandations propres aux circonstances et leur indiquer qu’ils ont le droit de former un pourvoi en cassation contre cet arrêt et celui relatif au verdict de culpabilité qui l’a précédé, dans un délai de quinze jours.

Les demandes parties civiles

13. Les actions civiles seront jugées plus tard dans le cadre d’une procédure contradictoire devant la cour d’assises, mais sans l’assistance du jury.

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