Les Maisons de Justice et l’alternative à la détention préventive

par Delphine Gorissen - 6 avril 2020

La détention préventive est la mesure en principe exceptionnelle, matérialisée par un mandat d’arrêt, par laquelle un juge d’instruction prive un inculpé de sa liberté avant même d’être jugé.

Mais il y a aussi la possibilité pour le juge d’instruction de prendre une mesure d’alternative à la détention préventive, pour laquelle les Maisons de Justice et les assistants de justice jouent un rôle important. Justice-en-ligne a déjà consacré un article à ce sujet : Marie Jadoul, « Les alternatives à la détention préventive : quelles sanctions en cas de non-respect ? » .

Delphine Gorissen, attachée à la direction Expertise de l’Administration générale des Maisons de Justice, y revient ci-dessous en mettant l’accent sur le rôle des Maisons de Justice.

1. En Belgique, l’alternative à la détention préventive est régie la loi du 20 juillet 1990 ‘relative à la détention préventive’.

Lorsqu’une personne est soupçonnée d’avoir commis un fait de nature à entrainer un emprisonnement principal d’un an ou plus, le juge d’instruction peut décider de décerner un mandat d’arrêt. Celui-ci est décerné uniquement en cas d’absolue nécessité et s’il y a un risque de fuite, un risque de récidive, un risque de collusion avec des tiers ou un risque de disparition des preuves durant l’enquête. Lorsque le juge d’instruction décide de placer une personne sous mandat d’arrêt, il doit également spécifier la façon dont la détention préventive sera exécutée : en prison ou sous surveillance électronique.

Néanmoins, si aucune de ces conditions n’est identifiée, le juge d’instruction pourra décider de laisser l’intéressé en liberté moyennant le respect de conditions pour un maximum de trois mois, renouvelable jusqu’à la fin de l’instruction ; c’est l’« alternative à la détention préventive » (« ADP »).

2. L’alternative à la détention préventive peut être décidée dès le départ de l’enquête par le juge d’instruction mais peut aussi être décidée au cours de celle-ci par les différentes juridictions compétentes pour exercer le contrôle de la détention préventive, à savoir la chambre du conseil et la chambre des mises en accusation.

3. En alternative à la détention préventive, les Maisons de Justice interviennent à plusieurs stades de la procédure :
 avant la décision du juge d’instruction de libérer l’inculpé, par le biais d’enquêtes sociales : afin de déterminer les conditions à imposer au justiciable, le juge d’instruction peut demander à la Maison de Justice compétente de réaliser une enquête sociale ; au cours d’un entretien avec le justiciable, l’assistant de justice veillera à recueillir les éléments pertinents afin d’éclairer l’autorité sur l’opportunité d’octroyer notamment une mesure de libération sous conditions ;
 après la décision du juge d’instruction de libérer l’inculpé sous condition, par le biais d’une guidance sociale : lorsqu’une alternative à la détention préventive est octroyée à un justiciable, le juge d’instruction mandate la Maison de Justice compétente afin qu’un assistant de justice soit désigné pour assurer l’accompagnement de celui-ci ; dans ce cadre, la mission de l’assistant de justice est d’assurer une guidance à l’égard du justiciable dans le but d’éviter la détention préventive, de limiter les dommages provoqués par l’intervention du système pénal et de travailler dans l’optique d’une justice réparatrice.

4. La personne qui bénéficie d’une alternative à la détention préventive aura différentes conditions à respecter. Celles-ci sont établies par le magistrat qui mandate les Maisons de Justice.

À titre d’exemple, voici quelques libellés de conditions :
 chercher activement un travail et en apporter la preuve dans le mois ;
 entamer toutes les démarches utiles aux fins de préparer un plan de réinsertion ;
 ne pas quitter le territoire belge sans autorisation écrite du magistrat instructeur ;
 demander huit jours au moins à l’avance l’autorisation de quitter le territoire, en indiquant la durée exacte du séjour et l’adresse de résidence à l’étranger ;
 ne pas avoir de contact, direct ou indirect de quelque manière que ce soit avec les personnes concernées de près ou de loin pour les faits de la présente instruction ;
 répondre à toute convocation émanant des autorités judiciaires et/ou policières ;
 se rendre à toutes convocations du parquet du procureur du Roi et de l’assistant de justice qui sera désigné par la Maison de Justice et remettre à l’assistant de justice les preuves du respect des conditions mentionnées ci-dessus.

5. Le travail de l’assistant de justice est double : il aide le justiciable à respecter ses conditions et il en vérifier le respect. Justice-en-ligne reviendra plus concrètement, dans un prochain article, sur la manière dont les assistants de justice travaillent dans ce cadre.

Au travers d’entretiens réguliers, l’assistant de justice tente d’approcher au plus près la réalité de vie du justiciable afin de pouvoir d’une part, lui apporter toutes les informations nécessaires à la mise en place des conditions et d’autre part, lui apporter le soutien nécessaire dans l’accomplissement des différentes démarches à effectuer en ce sens.

Par ailleurs, l’assistant de justice va mettre en place toute une série de moyens pour vérifier le respect de ces conditions notamment par le recueil d’attestations de manière régulière, par des contacts avec les professionnels intervenant dans la situation, par des contacts avec la police (notamment par rapport au respect des interdictions), etc.

Toutes ces démarches permettent à l’assistant de justice de recueillir des informations pertinentes en lien avec le mandat afin de pouvoir les analyser et les transmettre à l’autorité judiciaire qui l’a mandaté. Les informations sont transmises, au juge d’instruction (copie au parquet) par l’intermédiaire d’un rapport envoyé dans le mois de le prise en charge du dossier et d’un rapport d’évolution envoyé quinze jours avant la fin du délai de l’alternative à la détention préventive.

6. Si, au cours de la guidance, le juge d’instruction estime qu’un non-respect de conditions s’est produit, il peut décider de décerner un mandat d’arrêt à l’encontre du justiciable, qui devra alors exécuter une détention préventive en prison ou sous surveillance électronique.

Si aucun mandat d’arrêt n’est décerné à l’encontre de l’intéressé durant sa mesure, celle-ci prendra fin soit sur la base de la non-prolongation de la mesure, soit par la décision de la chambre du conseil de renvoyer ou non l’intéressé devant le tribunal correctionnel, soit encore le jour du jugement devant ce même tribunal.

Votre point de vue

  • skoby
    skoby Le 7 avril 2020 à 17:32

    Ces procédures destinées à remplacer la détention préventive me paraissent
    bien sur papier, mais il est clair que tout cela demande beaucoup de suivi
    et de contrôles. La question est : est-ce que nos instances judiciaires et policières
    sont-elles assez bien équipées pour réaliser tout cela.
    C’est là que réside mon point d’interrogation.

    Répondre à ce message

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